
Je suis arrivée à Stépanakert le 25 février pour la prise de vues. Comme il s'est avéré après, je suis apparue en pleins événements. Cette nuit-là les détachements arméniens attaquaient le village de Khodjaly, d'où les forces azerbaïdjanaises bombardaient Stepanakert et où se trouvait l'unique aéroport du Haut-Karabagh.
Je marchais avec les médecins dans le deuxième échelon des attaquants. A quelques kilomètres de Khodjaly nous avons vu soudain quelque chose avancer, qui dans l'obscurité ressemblait à un nuage. Nous avons entendu des gémissements, des cris en azerbaïdjanais et en arménien, des jurons. Comme il s'est avéré, le ''nuage'' c'était la foule. Des gens demi vêtus, beaucoup d'enfants...
''Ce sont des Turcs-Meskhétiens, nous les avons pris en otage''- ont expliqué les soldats arméniens escortants.
En dernière dans la foule des Turcs marchait une femme avec trois enfants. A pieds nus elle marchait sur la neige. Elle marchait à peine, tombait souvent. Il s'est avéré que le plus petit de ses enfants avait deux jours. Deux jours!.
J'ai pris cet enfant sur les mains et je suis allée avec les Turcs. Nous avons pleuré toutes les deux; moi et cette femme. Il faisait nuit, fouillis... Bien que mes vêtements aient des signes par lesquels les attaquants nous distinguaient, j'ai reçu quelques coups de crosse et des insultes pour que je me presse. Je savais que rien ne me menaçait, mais à un moment donné je me suis sentie en captivité. Je ne le souhaiterai à personnes.
Le matin j'étais à Khojaly. Le village brûlait. Il y avait des cadavres dans les rues. Moi-même, j'ai compté sept tués, dont l'un était en uniforme de police. Ensuite nous-mêmes, nous nous sommes trouvés sous les giclées. C'étaient les combattants de l'OMON azerbaïdjanais qui tiraient d'une des maisons assiégées.
Le combat auprès de cette maison a duré jusqu'au soir et a termié pour le côté arménien par deux tués et quelques blessés. Qu'est-ce que ces combattants de l'OMON sont devenus?. Ont-il péri ou se sont-ils sauvés au crépuscule- je n'en sais rien.
Je n'ai pas vu de soldats du 366ème régiment fusilier-motocycliste pendant l'assaut de Khodjali , mais j'ai vu de mes propres yeux l'arme blindée et le tir d'artillerie marcher en premiers rangs.
Deux jours plus tard les Turcs ont été libérés. Ils ont été déposés à la ligne frontalière de la région d'Askeran. Ils leur ont montré le chemin et voilà. En fait, ils n'ont pas libéré tous, 10 hommes ont été gardés en captivité. Quoique selon les Arméniens ils ne représentaient aucun intéret: ces otages-là ne seraient même pas échangés contre un jerricain d'essence: personne n'a besoin d'eux, ils ne sont à personne. Les soldats les gardant avaient une attitude humaine. Jeanne Galstyan, l'une des dirigeants de la résistance du Karabagh a amené des affaires pour les enfants. Peut-être les Arméniens de Karabagh sentent-ils le sort des Turcs-Meskhétiens ressembler fort à leur propre situation?.
Les otages Turcs, c'est le plus terrible que j'ai vu ces jours-là à Khojaly. C'étaient les gens ayant réfugié de l'Ouzbékistan et envoyé par les pouvoirs azerbaïdjanaispour vivre au Karabagh Montagneux, dans la zone des hostilités. Parmi les exilés de Khojaly il y avait des vieilles, qui doivent se souvenir de la déportation de 1944 de la Géorgie. Maintenant c'est leur troisième expulsion... est-elle la dernière?
Source: "Moskovsky Komsomolets'', mars 1992
Comparer à l'interview de 2010 Vesti. Az